28 mei 2009

LA VIE EN PROSE













‘Dès qu’on marche, les nouvelles n’ont plus d’importance. On n’attend plus le retournement, ni de savoir comment ceci a commencé, ni d’apprendre comment cela a terminé. Connaissez-vous la dernière? Mais dès qu’on marche, tout ceci n’a plus d’importance. C’est étonnant comment, de marcher loin, longtemps, on en vient même à se demander comment on pouvait y trouver intérêt. La lente respiration des choses fait apparaître le halètement quotidien comme une agitation vaine, maladive’.

‘Marcher fait taire l’indéfini soliloque où remontent les rancoeurs aigres, les contentements imbéciles, les vengeances faciles.’

‘Il arrivera bien un jour où l’on cessera aussi d’être préoccupé, accaparé par nos tâches, prisonnier d’elles – sachant que, pour beaucoup, c’est nous qui les inventons, qui ous les imposons. Travailler: amasser des économies, être aux aguets perpétuellement pour ne rien rater des occasions de carrière, convoiter telle place, terminer en hâte, s’inquiéter pour les autres. Faire ceci, passer voir cela, inviter un tel, contraintes sociales, modes culturelles, affairement…Toujours à faire quelque chose, mais être? On laisse pour plus tard: il y a toujours mieux, toujours plus urgent, toujours plus important à faire. On remet à demain. Mais demain porte avec lui les tâches du surlendemain. Tunnel sans fin. Et ils appellent cela vivre.’

‘On ne fait rien en marchant rien que marcher. Mais de n’avoir rien à faire que marcher permet de retrouver le pur sentiment d’être, de redécouvrir la simple joie d’exister, celle qui fait toute l’enfance. Ainsi la marche, en nous délestant, en nous arrachant à l’obsession du faire, nous permet d’à nouveau rencontrer cette éternité enfantine.’

Extraits de: ‘Marcher, une philosophie.’
Frédéric Gros. Editions Carnets Nord.

‘La Vie en Prose’. Journal Intimide.