03 maart 2008

LA VIE EN PROSE


















‘J invite ceux qui ne partagent pas notre foi
d’avoir l’attitude envers cette croix
que leur conscience leur dicte.’

L’offrande vient comme un moment de vérité. Mais quelle vérité?
Celle du vieux curé assis sur les certitudes de ses livres dorés et sacrés? Celle de cet excellent ami qui m’accompagne et que je sais athée. Assis lui sur son intime conviction qu’il n’y a de certitude aucune? Son humanisme fondé sur sa libre pensée. Et non sur ce cocktail de Révélations, mixé à travers civilisations et ages en unique vérité puis à suivre selon les Dix Commandements sous peine de damnation éternelle. Cette philosophie du libre examen que le curé préfère maquiller en ‘conscience’. Le doigt moralisateur levé comme toujours. L’index - celui de la main et de toutes les interdictions de livres autres que le sien - qui semble dire: ne pas toucher ma croix c’est déjà avoir, par ton refus même, le rejet de Dieu sur ta conscience. Et comme notre père d’église Augustin le dit si bien: sans Dieu point de salut. Ne pas la toucher cette croix, c’est risquer la perdition définitive pour ton touché refusé.

Entre ces deux certitudes, celle du oui et du refus, j’avance vers l’autel. Avec sur les coeur tous les mauvais coups du Bon Dieu que je ne compte plus depuis ma prime jeunesse. Avec ce papa mort depuis toujours: envolé au ciel par les bons soins du Bon Dieu au dires des bonnes soeurs.

(Celui qui a envoyé son propre fiston crêver en croix pour les bêtises des autres m’a dès la naissance privé d’un papa pour discuter de tout ça. Lui demander par exemple ce qu’il pense lui, mon papa catho, d’un papa pareil).

J’avance donc, avec en poche tous les atavismes et relents d’une éducation de calotin sur fond de grandes orgues et de chants Grégoriens qui se découvre agnostique tout seul. Par la lecture assidue et sans relâche d’un maximum de ‘livres interdits’ avec rejet systématique de tout dogme.

Pourtant je garde toujours dans le coeur le respect du petit roseau pensant devant le mystère de tout ce que l’homme libre ne peut (pas encore) comprendre.

(Mes questions majeures: d’où vient le mélange nécessaire au big bang? Ce piège du temps et de l’espace, tout ce programma cruel? Ce tsunami de souffrances gratuites, ce bain de sang, cette jungle? Cette sélection élitariste dans laquelle le faible perd la partie du plus fort, dans la course même vers l’existence?)

Je marche vers l’autel. Avec dans la tête les mots si percutants de Jean-Paul Dubois dans ‘Une vie Française’:

‘J'ai toujours été athée et la religion, qu’elle qu’elle soit, n’est pas pour moi un concept négociable. Partout, j’avais vu la vermine de la croyance et de la foi grignoter les humains, les rendre fous, les humilier, les rabaisser, les ramener au statut d’animaux de ménagerie. L’idée de Dieu était la pire des choses que l’homme eût jamais inventées. Je la jugeais inutile, déplacée, vaine et indigne d’une espèce que l’instinct et l’évolution avaient fait se dresser sur ses pattes arrière mais qui, face à l’effroi du trou, n’avait pas longtemps résisté à la tentation de se remettre à genoux. De s’inventer un maître, un dresseur, un gourou, un comptable. Pour lui confier les intérêts de sa vie et la gestion de son trépas, son âme et son au-delà.’

J’avance vers l’autel. Avec en mémoire ce que je viens de lire du philosophe Raphaël Enthoven .(L’ex de Carla Bruni. Le Raphaël de sa belle chanson des quatre consonnes et des trois voyelles.)

‘Quand Dieu est mort, l’homme ne vit qu’une fois, mais c’est la vie toujours recommencée, l’incertitude comme discipline, et le doute comme certitude. Rien ne demeure tenons-nous en là. Sans Dieu, tout est neuf tout le temps, et toute sagesse est contenue dans l’art de vivre chaque instant comme s’il était le premier’.

Mon ami athée salue la croix en légère courbette, mais ne la touche pas. En signe de respect pour toute conviction autre que la sienne. Le vieux curé le remercie à haute voix, ce qu’il omet de faire pour ses fidèles moutons . Comme si il voulait remercier mon ami athée de ne plus croire en toutes ses belles paroles.

J’avance vers l’autel et je touche le bon Dieu: je le touche au coeur. Comme il n’arrête pas de le faire avec moi. Oeil pour oeil. Ancien testament.

(L’autre joue, moi je me la garde pour embrasser ceux que j’aime).

Je curé ne me remercie pas, me prend sans doute pour un de ses fidèles moutons. Mais non, grossière erreur: brébis égarée je suis. Et à jamais. Fier de l’être. Prière de me foutre la paix éternelle. Prière de ne pas me ramener au bercail.

‘Le monde est beau et, hors de lui, point de salut.’

C’est d’Albert Camus.

'La vie en prose'. 'Journal Intimide'.
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