04 januari 2010

CHOCOMOUSSE







3.

Le flash d'Europe 1 me mitraille de débris d’infos. Le représentant du Grand Négoce du Bon Dieu sur terre vient de tomber sous le coup d’un attentat. Cette fois, ce n’est pas la faute à Voltaire. Ni à Rousseau, mon petit coco. Nous sommes en direct de Rome. La foule prie pour l’homme qui a pris pour coutume de baiser le bitume. Te voilà bien avancée, ma puce. Je te souhaite la bienvenue dans ce monde de puissants et de méchants.

Petite page de publicité. Dash lave plus blanc que blanc. Parce qu’avant, Dash ne lavait pas vraiment blanc. Tandis que là. Heureusement qu’il y a Michel Colucci pour nous le dire, en rire. Re-Flash. Question de faire avancer le Schmilblic. Bonne nouvelle. Le pape n’est pas mort. Dieu est en superforme, il fait bien son boulot salutaire.

(‘Tuez-les tous, on verra bien ce que ça donne’).

Il semble donc effectivement reconnaître les siens de là-haut. Il a un grand écran de chez Van Den Borre Votre Contrat de Confiance. Il voit tout tout le temps, lui ce Grand Voyeur. Le pape ressuscite. Nickel. Plus blanc que blanc. Il nous reste quelques certitudes. Rien n’a changé depuis la nuit des temps chrétiens, j’allais t’écrire depuis les temps crétins. Pardonne-moi ma pitchoune. Pour un bon mot, je donnerais ma peau. Faudra t’y faire, avec ton papa atypique. Un paternel comme moi ça ne s’invente pas, vu que ton papa à toi il n’a jamais connu de repaires. Le vide total. L’absence. Ah tu verras, tu verras. Peut-être même que c’est mieux comme ça. Un papa scribouillard, ça te servirait à quoi au juste? Faudra faire avec.

Des fois
mon coco
je t’écrirai
en rimes
rien que
pour la frime.

Donc rien n’a changé depuis le temps des Cathares et autres Manichéens. Le Bien et Le Mal. Ces deux mondes dans lesquels je te plonge, le temps de trois gémissements un beau soir d’été sur le sable, dans la baie de Saint-Tropez. La jetée.

Et ce sang qui souille la robe blanche du pape. Le rouge et le noir de l’histoire des successeurs de Saint Pierre. Noir c’est noir: pour celui qui n’y croit pas, il n’y a plus d’espoir.

(Les bébés non baptisés brûleront en enfer. Des siècles et des siècles. Ha petite, j’ai tant à t’écrire. Plus tard tu me liras, alors tu te diras, drôle de coco mon papa ).

Plus tard, lorsque tu soigneras les sidéens d’Afrique, tu te demanderas où qu’il est papa, le vrai diable dans tout ça? Et de mes cendres éparpillés là-haut sur la colline je te soufflerai dans l’oreille (les oreilles j’y reviens) je te dirais: je sais, petite fleur, je sais, je sais qu’on ne sait jamais. L’argent, l’amour les roses, on ne connaît jamais la vraie couleur des choses.

*
Bon. Entracte. Touche C10. Petite Chanson dans mon Wurlitzer personnel. De ‘Rulio’ Iglesias comme ils disent quand ils se mettent à violer la langue de Don Calderon de la Barca.

Pauvrrés Diables
Adorrables
Désirrrables
Rrredoutables.


Dieu soit loué. Le pape tient bon. Il survivra à l’ attaque sournoise de cet homme bizarroïde, nommé Ali. Comme le boxeur, qu’on nomme Le Plus Grand de Tous Les Temps.

(Remarque, dans la tribune des plus grands il y a toujours foule. Chez les perdants tout juste: My Name is Nobody).

L’agresseur du pape nous est venu de l’ Orient dont l’Ouest ne veut plus vraiment maintenant, comme c’était pourtant bien le cas au temps de Flaubert et son pote Théophile Gautier qui se tapaient des putes pour pas cher. Question de nourrir le cahier des frères Goncourt. Fallait bien qu’ils s’occupent, ces deux grands couillons du petit monde littéraire.

(Tu trouveras leurs radotages en Pléiade dans la petite bibliothèque que je te lègue à toi et tes grands frères. Je dois faire vite maintenant. Faut que je tue le temps en écrivant, avant que le temps ne me tue).

Petit à petit, le Rideau De Fer s’effrite. Stupeurs et tremblements chez les bons et les méchants. Tiens, ça me ferait un bon titre s'il n’était pris déjà par une petite Belge qui se croit nipponne et mange des fruits pourris, pour faire la fofolle.










Bien plus tard, après sa guérison presque miraculeuse, le Vénérable Polonais Santo Subito pourra pardonner son agresseur, l’homme de main des services secrets bulgares et pourquoi pas russes. Comme il se doit, entre croyants. Parce que les non-croyants: oeil pour oeil, dent pour dent. Bon, un croyant c’est sans doute plus chiant à vivre, mais au moins lui il te tend la main, en t’enfonçant le Laguiole dans le dos.

'La vie est ainsi faite mon enfant!’

Je te ferai mon sermon à la con. Question de nourrir ton éducation de bonnes manières.

‘Parsemée de pièges et d’obstacles!'
‘A toi de les voir, ma petite brebis blanche!’
‘A toi de les éviter! De les accepter! De les surmonter!’
‘Plus est en toi!’
‘Dieu est à nos côtés!’
'Ce qui ne te tuera point, te grandira!'
'Tous les hommes sont des frères!’
‘Tout homme est ego.’

Urbi et orbi. Danke for Blumen! Enfin tu vois, ce genre de conneries qui te feront brave fille de Bobos. Bon Chic Bon Genre.

*

Toi par contre ce jour-là, ce jour béni et maudit, je te revois bien morte dans les bras de cet homme en blouse blanche. Sans vie aucune. Le docteur te ramène dans ses bras: inanimée. Le coeur me pète dans la gorge. Le Bon Dieu me punit. Ta grand-maman m’avait prévenu pourtant, en se signant. On ne se moque pas du pape, même si’l a l'habitude d'embrasser le macadam de la piste de décollage. Je ne savais pas que cela se passerait comme ça. Pardon, le Bon Dieu. Dur dur d'être ton papa.

On opère mon bébé. Toi. On te réanime. Mais tiens, tu ne bouges pas tu ne bouges plus. On te tapote. Encore et encore. Il y a urgence. Oxygène, on dirait un show de Jean-Michel Jarre. Sonneries. Ecran témoin. Courbes folles. On t’abandonne déjà. Noir c’est noir, plus d’espoir. On te soulève. Viens, on t’emmène. Allo, maman bobo, comme tu m’as fait je fais à jamais dodo.

‘Désolé.'
‘On a tout essayé.'
‘Pour les honoraires, voyez ma secrétaire.'

Je vais lui faire bouffer ses propres. Bon. D’accord. Bon chic bon genre on avait dit. (Ses petites couilles qu’il se les gratte, ce con).

Et puis tu te réveilles. Tu nous reviens, enfin. Tes petites oreilles dotées de diabolos. Toute souriante. Et je remercie le bon dieu, le ciel, le diable si’l le faut. Les honoraires astronomiques de l’autre, je m’ en moque. Tu es là, tu es toujours là, Dieu soit loué. Et Ali. Et Le Plus Grand boxeur de tous les temps. Et Marcel Cerdan et non je ne regrette rien. Ni le mal qu’on t’a fait pour ton bien. Ni le bien qui t’a fait mal. Tout ça m’est bien égal.

J’entends quelqu’un dire: ‘Le pape ne méritait pas ça’.

Dieu est vraiment grand, je me dis. Il reconnaît les miens.
Pauvrrre petite, je me dis en te ramenant chez nous.
Pauvrrres diabolos, dans tes petites oreilles.
Et si je t’offrais un diabolo menthe, près de la cathédrale aux cinq clochers? Plus tard. Quand je serai petit et toi grande.

Papa gaga, tu dis.
Gaga de toi. Oui je dis.
Fou de joie, que tu sois toujours là. Morte le temps d’une éternité, dans ces bras-là. Et puis revenante. Belle comme mon ciel.

'CHOCOMOUSSE'
Roman.
Copyright: Stef Vancaeneghem.