CHOCOMOUSSE
2.
Bien loin encore qu’ils sont les tueurs du Brabant avec leurs raids sanglants au supermarché où, dans ton innocence et ton insouciance, tu te sers joyeusement en Chocotoffs.
Tu mets le paquet. Même que t' en attrape six d’un coup. Les fins de mois difficiles, tu te les gardes pour nous. La belle vie t’appelle déjà au rayon jouets. Tu te hisses dans les bras grands ouverts du petit Nicolas qui, avec ses grands yeux glacés, te dit des mots bleus, je veux. Il faut saisir la chance quand elle passe avant qu’elle ne file vers d’autres horizons.
C’est ton jour de chance, tu te sers de Nicolas. Il l’a vraiment cherché cet idiot. Te faire des avances à toi, petite boule de tendresse, toi qui n’attends que ça. Que tout le monde t’adore, te fasse de câlins, te chatouille.
(Comme moi ce matin, sur ta petite table à langer. Gaga de toi. De ta petite frimousse qui part dans tous les sens quand je te fais la grimace. Je ne te dis pas les odeurs. Passons. Tout bonheur à son prix. Petit bonheur deviendra grand. Et toi ma pitchounette, je voudrais que tu restes petite encore un bon moment. Que tu arrêtes le temps. Café corsé et me revoilà d’attaque après notre nuit blanche à te consoler de ton d'otite. Ready steady go pour encore une journée à chasser l’info, l’exclusivité, l’inattendu, le papier bien ciselé. Le poids des mots, le chocs des photos. Tout leur univers médiatique qui nous fait survivre maintenant et te permet de savourer tes Fruitellas roses.
Dans ta petite vie à toi, pas de francs-tireurs planqués sur les toits pour empêcher l’éclatement de cervelle humaine entre les rayons boucherie et charcuterie. Ni angoisse ni menace. Pas de caissières terrorisées. Pas de Cellulles Communistes Combattantes. Ni haine ni violence. Pas de Golf GTI transformée en char d’assaut. Ni Kalashnikov Russe, ni Colt Américain, ni Uzi Israëlien.
Leur traffic d’armes se résume pour toi en petits soldats roses, figés en Six Pack sous cellophane. Tu veux faire plaisir à tes grands frères. Tout le monde il est beau et tout le monde il est gentil. La belle vie n’a pas de prix.
*
‘You should have known better’. C’est Jim Diamond et ça vient du plafond, orné de Sprinklers et de guirlandes. Tu l’ignores mais en fait ce même bon Jim du groupe Phd est ton chanteur préféré. C’est de lui qu’à l’arrière de la Fiat Panda, tu fredonnes en boucle et très phonétiquement ‘A-wont-let-sjoe-daan’.
La sociéte dans laquelle tu viens de poser les pieds est dite de consommation. Bien avant ta venue ils ont bien essayé, un beau mois de mai, au temps des cerisiers Japonais en fleurs, de la stopper cette frénésie dans laquelle tu plonges aujourd’hui. Leur gigantesque machine à sous, leur fabrique à fous. En vain.
Voilà que leurs charettes abondent d’outrance et d’opulence. Leurs caisses claquent comme des castagnettes. Bientôt comme des mitraillettes. Pour l’instant, au journal, les télex se fixent au beau fixe, dans ce plat pays qui est le tien.
Un monsieur d’une autre galaxie, genre Capitaine Flamme, au timbre asceptisé, nous signale l’arrivée des figues fraîches au rayon légumes. Si ce n’est pas vraiment le bonheur, ça y ressemble. Tu es assise dans cette affreuse charette en métal aux roues bruyantes qui coincent de partout. Tu balances tes petites jambes comme une poupée de Peynet. Tiens, on dirait la petite ‘Joséphine’ qui vendra son corps en latex à bon prix bien plus tard sur le net. Osez, osez, Joséphine.
Ni ombre ni menace. Ni souci sur ta petite vie toute neuve qui, très vite fera route vers le soleil. Petite fille du soleil, ton chagrin va venir. Mais avant, au soleil on partira. Ce serait bête de s’en priver, du soleil. Ici il pleut tout le temps. Avec ou sans leurs figues fraîches.
‘Chocomousse’.
Roman.
Copyricht: Stef Vancaeneghem.
‘CHOCOMOUSSE’
Roman.
Copyright Stef Vancaeneghem.
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